Vous voilà arrivé au grand jour. Celui de l’entretien. Pour certains, c’est un jour comme un autre et ils s’y rendront comme si de rien n’était. Pour d’autres, c’est au contraire une journée frappée du sceau de l’anxiété, de l’appréhension et du stress. Un conseil que nous adressons aux seconds : inspirez-vous des premiers.
Alors que les heures s’égrèneront avant le rendez-vous fatidique, il est important de vous poser une question essentielle.
QUEL EST LE BUT DE L'ENTRETIEN ?
Cette question est fondamentale car la réponse que vous y apporterez conditionnera la façon dont vous mènerez l’entretien et donc dont celui-ci se déroulera.
Certains d’entre vous ont certainement déjà répondu d’un air entendu à cette question. L’objectif de l’entretien, c’est d’obtenir l’emploi auquel on a postulé. Et bien oui, et non ! Et ceux qui se rendent détendus et confiants à l’entretien sont d’ailleurs ceux qui apportent une toute autre réponse à cette question.
Derrière la notion d’objectif réside celle de l’enjeu. Ainsi, plus le but que l’on se fixe est élevé, plus les enjeux, fatalement, seront forts. Et nous vous posons alors à nouveau cette question. Qui êtes-vous ? Êtes-vous quelqu’un qui vivez la pression de façon stimulante, vous donne-t-elle envie de vous dépasser et de donner le meilleur de vous-même ? Ou au contraire, avez-vous tendance à vous liquéfier devant l’enjeu, à imaginer le pire et à céder à la panique ? Ne nous répondez pas ce que nous souhaitons entendre, mais plutôt ce que vous savez au fond de vous-même.
Si la pression vous motive et vous stimule, vous fixer un objectif ambitieux, tel que relever brillamment une à une chacune des étapes de l’entretien et signer ce précieux contrat, sera certainement une approche efficace. Si vous êtes cette femme ou cet homme, la pression décuplera vos forces et vous donnera les moyens de vos ambitions. Vous serez sûr de vous, déterminé, simplement vous-même, et cela fera mouche.
Force est toutefois de constater qu’un certain nombre de candidats sont plus timorés et se renferment lorsque la pression s’accroît. Ne vous y trompez pas, cette pression ne vient pas de l’extérieur, elle vient de vous. Ce n’est pas le recruteur – que vous ne connaissez d’ailleurs pas encore – qui vous met une telle pression. C’est vous. Savez-vous pourquoi ? Parce que l’objectif que vous vous fixez est trop élevé par rapport à votre propre capacité à faire face à l’enjeu.
Nous nous souvenons d’un candidat qui nous avait à l’époque beaucoup émus. Responsable commercial, ce candidat – appelons le Édouard – avait passé quelques 25 années dans sa précédente entreprise, qu’il avait loyalement accompagnée dans tous ses développements et toutes ses conquêtes. La vie de l’entreprise n’est malheureusement pas un conte de fée et un changement d’actionnaires a eu raison de son poste. Nul besoin de vous dire qu’Edouard était dévasté et le premier entretien que nous passons avec lui avait davantage des allures de coaching intensif que d’entretien de recrutement. Nous étions convaincus d’une chose. Derrière cette détresse apparente se cachait un excellent candidat qui avait, c’est important de le souligner, toutes les qualités requises pour le poste.
A l’issue de cette première rencontre, notre client souhaite le rencontrer. Nous organisons donc le futur entretien dans nos locaux. Édouard, désireux de ne pas passer à côté de la chance de sa vie, arrive trois heures avant. Nous avons donc tout le loisir de le rencontrer à nouveau et de constater qu’Édouard court droit à l’échec. Il est paniqué, adopte déjà une attitude implorante et répond nerveusement aux SMS de son épouse qui s’enquiert à chaque minute de son état d’esprit. Notre intuition s’avère juste, l’entretien tourne rapidement au fiasco et Édouard en vient même à verser une larme au cours de ses échanges avec son interlocuteur.
Alors que notre client quitte nos locaux, nous rejoignons le malheureux candidat à qui nous annonçons que l’impression de son interlocuteur est négative. L’émotion étreint alors Édouard qui nous confesse qu’il aurait tellement aimé repartir avec un contrat de travail à l’issue de cet entretien.
Et voilà l’erreur majeure qu’a commise ce candidat. L’objectif qu’il s’était fixé était beaucoup trop élevé eu égard à sa situation. Qui était Édouard ? Un homme profondément intègre, loyal et compétent qui était meurtri par ce qu’il considérait comme l’un des plus grands échecs et l'une des plus grandes trahisons de sa vie professionnelle. Son licenciement. Était-ce de sa faute ? Absolument pas. Une décision arbitraire avait été prise. Il n’était nullement responsable, mais se sentait néanmoins en échec. À ce stade, il était en perte de repères et souffrait d’un grave déficit de confiance en lui. Personne ne le blâme à commencer par nous. Qui sait comment nous réagirions en pareille situation ?
Pour autant, Édouard aurait pu agir autrement et inverser le cours des choses. Ce n’est pas l’entretien qui l’effrayait, il avait surmonté bien pire au cours de sa vie. Ce qui le paniquait, c’était de ne pas être à la hauteur de l’objectif qu’il s’était fixé, ressortir de la rencontre avec un contrat de travail. Déjà amoindri par la situation qu’il traversait, il perdait de plus en plus ses moyens au fur et à mesure qu’il comprenait que le processus de recrutement serait plus long qu’espéré.
Imaginons maintenant qu’Édouard ait choisit un autre objectif. Imaginons que son but était simplement de faire la connaissance de son interlocuteur, de faire part de son histoire et de découvrir si une collaboration était possible, comment pensez-vous qu’il aurait réagi ? Il est très facile de réécrire l’histoire et d’inventer un happy end que l’on ne confrontera jamais à la réalité. Pour autant, une chose est certaine. Avec un tel objectif, Édouard aurait forcément atteint son but. Comment ne pas réussir quand son ambition est simplement de passer un agréable moment, d’apprendre à connaître l’autre et de partager son expérience. Tout le monde est à même de remplir cette mission. Nous savons que cette affirmation contraste avec les conseils ambitieux que l’on peut parfois vous donner et qu’il faut « viser les étoiles pour atteindre la Lune »… Pour autant, de telles ambitions ont souvent brisé les ailes de candidats fragilisés qui se trouvent parfois dans une situation matérielle et familiale compliquée. Cette pression supplémentaire, nous l’assimilons à la plume que le méchant des dessins animés rajoute à la charge du gentil héros déjà lesté de plusieurs tonnes de fonte. Cette plume, ridiculement légère, est le milligramme de trop que le personnage de cartoon ne peut plus porter et qui provoque sa chute.
Hors, cette plume devenue insupportable, c’est vous-même qui vous l’infligez en vous harnachant d’un fardeau d’angoisse trop lourd à porter. Si vous n’évoluez pas dans un contexte rassurant et sécurisant au moment où vous passez les entretiens, le poids de cette anxiété peut vous faire perdre tous vos moyens.
Beaucoup de candidats échouent non pas parce qu’ils ne sont pas compétents, la plupart le sont d’ailleurs beaucoup plus qu’ils ne le croient, mais parce qu’ils ont le sentiment de jouer leur vie à la roulette russe. S’ils obtiennent le poste, ils sont les plus heureux du monde, s’ils échouent, leur vie est vouée aux enfers… Vous seriez détendu si vous passiez un entretien avec un pistolet sur la tempe ? C’est pourtant mentalement ce que beaucoup de candidats font, avec les conséquences néfastes mais prévisibles que l’on connait.
Si vous êtes de ceux-là, ou si vous souhaitez simplement être plus détendu lorsque vous passez vos entretiens, diminuez vos niveaux d’attentes, fixez-vous des objectifs réalistes et atteignables, comme le simple fait de passer un moment agréable et d’échanger avec une personne que vous ne connaissez pas encore. Après tout, vous l’avez déjà fait, non ?
L'entretien ou la rencontre amoureuse
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’entretien d’embauche, par ses mécanismes et ses enjeux se rapproche le plus du rendez-vous amoureux.
Nous avons tous eu notre lot de premiers rendez-vous magiques où tout semble évident ou au contraire de rencontres pendant lesquelles nous ne pensons qu’à une chose, partir. L’entretien procède exactement de la même façon. Il est des rencontres évidentes et d’autres où l’on regarde désespérément l’horloge en priant pour que l’aiguille des minutes galope.
Cela peut tenir d’une part à la personnalité de celui ou celle que l’on rencontre, mais aussi le plus souvent à son attitude, qui elle-même découle des objectifs qu’elle s’est fixée avant de vous rencontrer.
Une mise en situation s’impose !
Vous êtes en terrasse et faites connaissance avec cette personne qui vous plait depuis quelques temps. Et malgré cet attrait que vous éprouviez, vous ressentez une gêne et avez le sentiment que quelque chose ne va pas. Alors que tout se passait bien, cette personne vous dit soudainement « Épouse moi, je t’en supplie, je n’ai pas envie de finir seul(e) ». Le rendez-vous romantique si prometteur se transforme en calvaire pour une simple raison. Votre rendez-vous a fixé, avant de vous rencontrer, des enjeux très – trop - élevés. C’était vous ou rien, et l’idée de ce rien était tellement insupportable qu’il ou elle a jeté toutes ses forces dans la bataille alors qu’il n’a jamais été question de guerre…
Cela vous fait certainement sourire et évoque peut-être des souvenirs.
Si nous sommes sûrs d’une chose, et vous pouvez l’observer parmi les personnes de votre entourage, c’est que celles et ceux qui font de belles rencontres sont les mêmes qui obtiennent le plus de propositions d’embauche après un entretien.
Que font-elles ? Rien, justement. Ou plutôt que ne font-elles pas ? Elles ne fixent pas d’enjeu démesuré, ne jouent pas leur avenir sentimental sur une rencontre et ne cherchent pas à convaincre l’autre qu’elles sont LA bonne personne. Au contraire, elles semblent prendre simplement plaisir à être avec vous, s’intéressent naturellement à qui vous-êtes, se livrent à bon escient, et sont certaines d’atteindre leur objectif. Quel est-il ? Passer un bon moment avec les gens qu’elles ont choisi de rencontrer. Comment cela se passera ? Elles n’en savent rien, pas plus que vous, mais elles choisiront quoiqu’il arrive d’en retirer le meilleur. Si en vous écoutant, elles ont le sentiment de découvrir la personne qui partagera leur vie, elles ont gagné. Si elles découvrent en vous un ou une amie, elles ont gagné. Si elles ne se découvrent pas de points communs avec vous, qu’à cela ne tienne, elles auront néanmoins passé un bon moment et appris à vous connaître ainsi qu’à se connaître davantage. Ces personnes-là ne peuvent pas perdre, c’est la raison pour laquelle elles paraissent si fortes.
De la même façon qu’un premier rendez-vous amoureux qui n’aboutit pas ne vous condamne pas au célibat éternel, un entretien professionnel qui ne se traduit pas par une proposition d’embauche n’est pas synonyme de chômage perpétuel.
Souvenez-vous de vos plus beaux rendez-vous sentimentaux, ceux-qui ont accouché des plus belles relations. Vous n’avez pas cherché à forcer le destin, vous n’étiez pas tétanisé face à un possible échec. Il ne pouvait pas y avoir d’échec pour la simple et bonne raison que votre seul objectif était de passer un agréable moment et d’en faire passer un tout aussi exquis en retour.
Votre seul objectif lorsque vous passerez votre prochain entretien doit être le même que lorsque vous rencontrez une personne qui vous plaît. Connaître l’autre, parler de soi et découvrir si vos chemins peuvent se croiser ou non. Peut-on échouer lorsque l’objectif ne dépend que de soi ? Le poids écrasant de l’enjeu envolé, vous vous sentirez bien davantage maître de vous-même, en sécurité et bien plus vous-même que lorsque vous vous affubliez du masque du candidat parfait.
Gardez toujours dans un coin de votre tête cette métaphore du rendez-vous amoureux. Elle vous donnera la juste attitude à adopter, celle d’un intérêt sincère mais détaché de tout enjeu.
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