Le Chasseur de Tête (ou Recruteur), un ennemi qui vous veut du bien. Focus sur un métier qui est encore mal connu et mal aimé.
C'est pourtant la façon dont la plupart d'entre nous les considérons quand il s'agit de se rendre à un entretien. Mielleux, marchands de viande, agents doubles, impolis, tous puissants car du bon côté de la table... Voici quelques façons - et nous en oublions certainement de bien meilleures - dont nous percevons ces femmes et ces hommes lorsqu'il s'agit de remettre notre carrière et notre sort entre leurs mains. On a vu préjugés plus flatteurs.
Pour autant, sont-ils réellement comme cela ? Que souhaite réellement un recruteur lorsqu'il nous rencontre ? Nous soumettre à la question est la réponse qui nous vient immédiatement en tête mais est-ce pour autant la bonne ? Pour réussir vos entretiens et évoluer professionnellement, il est indispensable de prendre la place de celle ou celui qui vous permettra ou non de réaliser vos souhaits. Que veut-il ? Que cherche-t-il ? Quels sont ses enjeux et ses contraintes ?
Cet article a pour but de vous décrire qui sont la femme et l’homme types derrière ce bureau froid afin que vous puissiez non pas le voir comme le gardien de la porte des enfers, mais au contraire comme un allié dans votre parcours d’obstacles au sein de l’entreprise.
En tant qu'êtres humains, nous avons tendance à diaboliser ce qui nous fait peur et nous avons majoritairement peur de ce que nous ne connaissons pas. Dans le doute. Force est de constater, avec près de quinze ans d'expérience dans le secteur du recrutement, que très peu de candidats comprennent la personne qui en est face d'eux. Pour ces quelques happy fews, la route du succès est toute tracée. Voici quelques clés pour rejoindre ce club très fermé.
Mais qui est donc le Chasseur de Tête ?
Qu'il soit en cabinet ou en entreprise, le recruteur est avant tout un professionnel dont l'objectif est de pourvoir des postes, au sein de son entreprise pour le Responsable Recrutement, pour le compte de ses clients en ce qui concerne le Consultant.
Ce professionnel a donc des objectifs :
- quantitatifs : pourvoir tous les postes dont il a la charge,
- et qualitatifs : recruter le meilleur candidat possible pour le poste concerné.
Vous et lui n'êtes donc pas si différents. Comme vous, il se lève le matin, répond à ses emails, plaisante avec ses collègues, réussit des missions, subit des échecs, doit rendre des comptes, etc...
Alors, pourquoi paraît-il parfois si intimidant ? Il ne l'est pas, en tous cas pour l'immense majorité de nos consoeurs et confrères. Ce sont des gens avec qui l'on peut partir en vacances et à qui on peut même confier ses enfants. S'il peut paraître si sévère, c'est peut-être d'une part parce que vous le percevez comme un juge et que vous vous positionnez donc immédiatement en infériorité, et d'autre part parce qu'entre vous et nous, vous lui menez la vie très dure...
Mettez-vous quelques instants à sa place. Il doit répondre aux besoins de clients internes ou externes et le service qu'il commercialise, c'est à dire la mise en relation entre une offre et une demande, est le seul service au monde qui peut dire non. Avez-vous déjà vu un forfait de téléphone refuser tel ou tel appareil, une voiture qui ne se met pas en route en signe de protestation ? ET bien lui, c'est son quotidien ! Et parfois pour des raisons incongrues ou surréalistes. Nous avons vu un candidat à un poste de Directeur Général refuser le pont d'or qui lui était offert car le poste impliquait un déménagement à proximité du site situé à 40 km de son domicile actuel. Un autre candidat que nous avions accompagné longtemps dans sa réflexion et ses démarches, refuser la proposition qu'il attendait depuis des années au motif qu'il avait rencontré la femme de sa vie et qu'il quittait tout pour la suivre à l'autre bout de la France... Un travail d'accompagnement et de conseils long de 6 mois à refaire en intégralité. Alors, avec le temps, le recruteur se méfie. Confronté à un quotidien très incertain, le recruteur doit pourtant atteindre ses objectifs. Il ne s'agit pas simplement de pourvoir un poste mais d'accompagner une entreprise dans son développement. Plus il évolue, plus il apprendra à mettre des gardes fous, à sécuriser au maximum son processus de recrutement. Il n'est ni froid ni cassant, il essaie simplement de rationaliser son activité face à des candidats souvent si peu rationnels.
Le comprendre pour mieux l'aider
Vous pouvez le considérer comme un ennemi, et il vous le rendra bien, ou vous pouvez au contraire faire de lui votre ami. Laquelle de ces deux voies vous rendra le plus service selon vous ?
Comment devient-on ami avec un Chasseur de Tête ?
De la même façon qu'avec n'importe qui. En lui tendant la main.
Cette femme ou cet homme qui semble jouer aux dés avec votre avenir est en réalité un grand anxieux qui a besoin d’être rassuré. Cependant, le prendre par la main et lui dire que tout ira bien n’est pas l’option que nous vous recommandons. Pour le mettre en confiance, soyez précis dans la narration de votre parcours, transparent quant à vos réalisations. Il ne s’agit pas de tout dire, mais de lui donner une photographie réaliste de ce que vous avez fait. Tournez autour du pot, passez d’une expérience à l’autre sans lui expliquer les motifs de départ, restez vagues quant à votre activité et vous l’aurez perdu. Vous pourrez toujours vous plaindre qu’il n’a pas su déceler le génie qui est en vous si cela vous console, et c’est sûrement vrai, mais vous serez passé à côté d’une occasion d’en faire un allié.
Quand il vous rencontre, le recruteur n’a qu’une envie. Que vous soyez la parfaite candidate, le parfait candidat qu’il puisse présenter sans risque de se tromper, qu’il puisse défendre auprès de son client ou de son entreprise sans avoir peur de se discréditer. Vous pensez que vos intérêts divergent ? Au contraire, ils convergent. Croyez-vous vraiment qu’il rencontre des dizaines de candidats par plaisir, aussi sympathique sont-ils ? S’il est si sourcilleux et pointilleux, c’est que l’expérience lui a appris que nombre des gens qu’il rencontre ne sont pas fiables, jouent la carte du plus offrant, passent des entretiens pour le frisson du risque et resteront finalement bien au chaud lorsque se présentera l’occasion de faire le saut dans l’inconnu.
S’il cache son jeu, alors vous aussi. C’est de bonne guerre, vous avez raison, mais toute guerre provoque des dommages collatéraux. Osez la carte de la clarté. Dites-lui ce que vous voulez et ne voulez pas, tenez-le informé des pistes que vous suivez en parallèle, il vous en saura gré et vous conseillera alors au mieux de ses connaissances et de ses capacités.
Bien entendu, il existe dans cette profession son lot de brebis galeuses, comme il en existe dans n’importe quel secteur d’activité. Restez sur vos gardes, soyez sélectifs dans les entreprises et les cabinets que vous démarchez, mais de grâce, faites de vos interlocuteurs des alliés, des soutiens sur qui vous pourrez compter. Ils ne demandent que cela et sauront vous retourner la pareille.
Comment un Chasseur de Tête peut-il m'aider ?
Rappelez-vous toujours cela. Vos intérêts et celui du recruteur convergent. S’il sent qu’il peut vous faire confiance, que vous passerez une à une les étapes du processus de recrutement sans donner à son supérieur hiérarchique ou son client une information différente de celle que vous lui avez donnée – certains candidats sont experts de cela – et sans sortir au dernier moment une carte de votre manche, alors il se battra bec et ongles pour vous. Comment ? Il préparera le terrain, vantera vos mérites auprès de ses clients internes ou externes, rédigera un dossier dithyrambique à votre sujet et ira même jusqu’à vous aider à négocier votre rémunération.
Ensuite, et surtout, il vous abreuvera en conseils sur la façon de réussir au mieux chacune des étapes du recrutement. Il détient les clés de lecture de l’entreprise que vous ne possédez pas et vous aiguillera sur l’attitude à adopter face à son client ou au Directeur Opérationnel que vous rencontrerez. Nous avons toujours été très prolixe en conseils vis-à-vis des candidats que nous rencontrons, en partant du principe que plus ils en savent, plus grandes sont leurs chances d’aboutir positivement. Pour autant, on ne le fait qu’avec ceux dont nous savons qu’ils en tireront le meilleur parti.
Nous nous souvenons d’un candidat que nous avions rencontré pour un poste de Directeur Opérationnel sur lequel notre client et nous-mêmes travaillions assidûment depuis trois mois. Sur le papier, le candidat était parfait. En le voyant, nous nous sommes dit : « C’est le bon candidat ! ». Son parcours, son professionnalisme, tout incitait à le présenter. Mais au cours de l’entretien, une anicroche. Le candidat était très marqué par son expérience précédente et ne cessait de se dévaloriser. Le pessimisme qu’il dégageait était contagieux et risquait de laisser une impression négative à notre client.
A l’issue de l’entretien, nous posions cartes sur table et lui conseillons une approche plus pragmatique, plus centrée sur ses expériences et non sur une justification perpétuelle de ses « échecs ». Parler de faits, raconter de belles anecdotes, illustrer ses succès et non ses échecs. Il a reçu une proposition dès son premier entretien. Pourquoi l’avons-nous fait ? Au-delà de ses compétences, le candidat nous avait convaincu de sa sincérité, de sa bonne foi et de sa capacité à mettre en musique les quelques conseils que nous lui prodiguions avec bienveillance .
Croyez-vous que nous aurions eu la même démarche vis-à-vis de lui s’il avait été sur la défensive, dans la rétention d’informations, dans le dédain comme certains candidats peuvent parfois l’être ?
Ne vous y trompez pas, vous pouvez passer certaines étapes sans que le constat soit pour autant positif. Parfois, le doute bénéficie au candidat jusqu’à un certain point du processus de recrutement. Plus le recruteur est de votre côté, plus il sait qu’il peut vous faire confiance, plus il sera enclin à se battre pour vous et à influer sur son environnement afin que les portes s’ouvrent sur votre passage.
N’importe quel recruteur vous le dira. Mieux vaut un Non franc et massif en début de recrutement qu’une fois la proposition d’embauche entre vos mains. Plus vous jouerez le jeu de la transparence et de l’honnêteté intellectuelle en sachant les tourner à votre avantage, plus vous influencerez favorablement votre interlocuteur.
Et si cela ne passe pas auprès de certaines entreprises, tant mieux. Cela signifie qu’elles ne prônent pas les mêmes valeurs que les vôtres et que vous ne vous seriez pas senti bien quoiqu’il arrive au sein d’une entreprise si différente de qui vous êtes.
Faites du recruteur un ami, mais à l’instar de votre vie privée, ne soyez pas ami avec n’importe qui. Si la personne en face de vous ne vous inspire pas confiance, tirez en les leçons et ne donnez pas suite si les signaux renvoyés et perçus sont trop négatifs.
Plus vous cultiverez cette relation avec votre interlocuteur, plus vous créerez un lien de confiance et de transparence qui fonctionnera dans les deux sens. La grande majorité des candidats qui évoluent positivement et transforment les candidatures en entretiens et les entretiens en propositions sont ceux qui ont réussi à créer un lien avec leur interlocuteur, sans jamais forcer le trait. Ils étaient naturels, souriants, transparents tout en restant stratèges, sûrs d’eux tout en acceptant la critique. Ils ne portaient pas de masque ; ils n’en avaient pas besoin.
Alors la prochaine fois que vous vous rendrez à un entretien, considérez que vous voyez l’ami d’un ami. Apprenez à connaître l’autre, ayez une attitude détendue mais polie, ouverte et positive – soyez donc simplement vous-même – et beaucoup de portes jusqu’alors closes s’ouvriront d’elles-mêmes.
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